Chers amis, chers camarades, chers voisins,
Nous vivons décidément une époque chaotique. Nous n’avons pas été préparés à vivre ce genre de catastrophe. Même pour ceux qui s’attendaient à un effondrement, la situation paraît irréelle, sortie d’un mauvais film de fiction. Sauf qu’il y a de vrais malades et de vrais morts.
Mal préparés face à la catastrophe
Nous tenons à remercier et à féliciter le travail du personnel soignant et de toutes celles et ceux qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à combattre ce fléau. Nous regrettons que nos pouvoirs politiques, depuis des décennies, aient méthodiquement détruit les hôpitaux. Beaucoup de soignants avaient pourtant tiré la sonnette d’alarme : les hôpitaux manquaient de personnel, de moyens et de capacité d’accueil. Pour toute réponse : le bed management – c’est-à-dire, utiliser des ordinateurs pour éviter qu’il y ait des lits inoccupés. Outre l’infiltration des méthodes de management et les notions de rentabilité, comme d’autres services publics – l’énergie, la poste, les transports, l’éducation, la recherche d’emploi… -, la santé est perçue comme un marché juteux potentiel. On en oublie le caractère primordial. Sans tout cela, nous aurions pu être mieux préparés. Les services de réanimation n’auraient pas aujourd’hui à choisir entre nos malades. Ou en tous cas, pas si rapidement.
Les mesures de confinement nous permettront, nous l’espérons, de réduire le nombre de malades et de morts. Le gouvernement a eu une réaction pour le moins ambiguë. Tardives, ces mesures manquent de préparation et de clarté. Il faut néanmoins absolument respecter strictement les consignes de sécurité et éviter le plus possible les déplacements et les rencontres. Pour le bien de toutes et de tous, toute autre activité que le strict nécessaire doit être proscrite ! Allons même plus loin : réorientons l’économie du pays pour répondre aux besoins spécifiques de cette crise sanitaire.
Hélas, il faut aussi le dire : cette pandémie, aussi terrifiante soit-elle, n’est peut-être pas grand-chose comparée aux dangers environnementaux. Le réchauffement climatique, l’érosion des sols et la chute de la biodiversité peuvent potentiellement créer des périls beaucoup plus longs et plus dangereux. D’ailleurs, les pandémies, elles-mêmes, ne seraient pas sans lien avec l’écologie. Pour pouvoir faire face à ces épreuves, prenons enfin la mesure des enjeux. À toutes les échelles – locales, nationales et internationales -, œuvrons pour réduire les risques de nouvelles pandémies, de montée du niveau de la mer, de disparition des abeilles, d’épuisement des ressources, etc. tout en nous préparant à faire face malgré tout à ces problèmes.
Deux voies possibles
Après la pandémie du Covid-19, certaines entreprises, certains artisans et certaines associations risquent de faire faillite. Il y aura donc un avant et un après. Mais quel est cet après ?
Deux scénarios sont possibles : peu ou prou celui de la sortie de la Première Guerre mondiale, on continue comme avant, en pire. Les gouvernements profiteront de la crise pour essayer d’ajouter de nouvelles mesures libérales et austéritaires – d’ailleurs, ils ont déjà commencé. On peut aussi, comme l’avait fait le Conseil National de la Résistance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dessiner un autre monde. Le film Demain, l’appel Un bond vers l’avant, le Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe, le numéro « Changer la vie » du magazine Manière de voir ou encore les idées d’André Gorz peuvent notamment nous y aider.
Voilà en effet une opportunité inédite de changer les mentalités et de transformer l’économie. Déjà, la pollution a fortement diminué – ce qui aurait sauvé en Chine vingt fois plus de vies que le virus n’en a ôté. Désormais, dans le monde entier, dans toutes les classes sociales, nous découvrons notre fragilité et nous modérons notre toute-puissance. Peut-être qu’il serait temps d’abandonner les secteurs les plus nocifs pour l’environnement et les hommes ; profitons-en aussi pour limiter drastiquement la publicité. Malgré ça, la fin de la crise sanitaire n’est pas synonyme de chômage et de misère à condition de mettre en place, très vite, un gigantesque plan de relance écologique, comprenant, par exemple :
- La rénovation des services publics tels que la santé, la recherche, la justice, l’éducation, le transport, etc. en grave difficulté depuis plusieurs décennies de politiques néolibérales. Parce qu’ils appartiennent aussi au bien commun, soutenons l’art et la culture à travers des structures pérennes !
- La prise en compte des systèmes écologiques dans tous les domaines. À titre d’illustration, en agriculture, formons tous les paysans à l’agroécologie, varions les cultures et leur rotation, favorisons la permaculture, créons des réseaux de distribution en circuit court, etc.
- La mise en place d’une stratégie industrielle. Doit-on soutenir et relocaliser certaines industries – lesquelles ? -, favoriser les coopératives et/ou les productions artisanales, allonger la garantie des objets à 5 ou 10 ans, ou encore mettre en place des ateliers de réparation dans toutes les villes ?
Nous créerons ainsi de très nombreux emplois de qualité : bons pour l’environnement et bons pour tous. Prenons soin de partager le travail et les richesses équitablement et réservons à chacun du temps libre pour exercer des activités en dehors de la sphère marchande. C’est ambitieux ! Cela nécessite des moyens comparables à ceux déployés au sortir de la seconde guerre mondiale. De multiples possibilités s’offrent à nous pour financer la construction d’un nouveau monde : création monétaire, impôts sur les plus grandes fortunes et les plus gros revenus – les fameux 1% -, taxes sur les activités néfastes pour la terre et les hommes. Nous pouvons également récupérer beaucoup d’argent perdu dans l’évasion et l’optimisation fiscale.
La pandémie du Covid-19 est une calamité mais essayons d’en profiter pour en tirer des leçons et s’interroger : de quoi avons-nous vraiment besoin et comment l’obtenir ? Après cette épreuve, la vie ne doit pas continuer : elle doit renaître !